Zoom sur une question d’actualité
Les ados à l’ère du numérique : quelles sont les tendances actuelles ?
Une enquête menée au Pays Basque auprès de collégiens et de lycéens1 révèle que la moitié des 11-12 ans possèdent une tablette personnelle et que 98,9% des 17-18 possèdent au moins un téléphone portable. Cette même enquête rappelle à quel point différentes activités possibles en ligne sont devenues courantes pour la grande majorité des jeunes. A titre d’exemple, 80,6% d’entre eux déclarent regarder des Youtubeurs, 62,9% disent publier des photos et 38,9% affirment regarder des tutoriels. Outre la possibilité de quantifier des pratiques numériques généralement connues de la part des professionnels de l’adolescence, l’enquête permet aussi de confirmer quelques tendances caractérisant la nouvelle génération d’enfants et d’ados connectés…
L’ère des technologies de l’image
Dans de nombreuses recherches, les indicateurs montrent que se sont les technologies de l’image qui caractérisent la communication numérique de la nouvelle génération d’adolescents et d’adolescentes2. En effet, si la perte de popularité grandissante de Facebook était déjà annoncée depuis quelques années, les dernières enquêtes ont montré à quel point le réseau social est remplacé progressivement dans le cœur des plus jeunes par des rivaux qui mettent au centre de leur dispositif l’image comme moyen de communication. Ainsi, Snapchat et Instagram sont résolument devenus les réseaux sociaux par excellence des jeunes générations, ce que confirme l’enquête menée au Pays Basque (cf. tableau 1). Si pendant longtemps nous pouvions d’abord et avant tout considérer les jeunes comme des spectateurs d’images, force est de constater qu’ils sont aussi, et peut-être d’abord devenus des producteurs et des diffuseurs d’images.
La tablette numérique dans la vie des enfants
Si plus de la moitié des 11-12 ans de l’enquête déclarent posséder une tablette personnelle, les 17-18 ans, quant à eux, ne déclarent la même chose que dans une proportion de 32,1%. Le temps passé sur la tablette marque alors une nouvelle manière d’entrée dans le monde connecté, et des travaux récents que nous menons en partenariat avec l’Université de Saragosse, montrent à quel point le thème de l’ennui est mentionné par les enfants eux-mêmes lorsqu’il s’agit de justifier leurs usages de la tablette3. Cette consommation d’écran parfois individuelle, renouvelle le débat autour de l’exposition des plus jeunes à des contenus « problématiques ». D’une part, elle interroge sur la possibilité des enfants à s’informer « par eux-mêmes » dans un contexte où la source d’information est plus que souvent discutable4. D’autre part, elle rappelle le risque d’exposition de plus en plus de jeunes (de plus en plus jeunes) à du contenu violent et pornographique. Ainsi, une enquête récente publiée par Bouygues telecom5 signale que près de 80% des parents sont particulièrement inquiets à l’idée que leurs enfants soient exposés à du contenu pornographique. Une crainte avérée puisque, dans l’enquête menée au Pays Basque, c’est près de 40%, 4 garçons sur 10, qui affirment regarder de la pornographie…
L’adolescent au sein de la famille connectée
La communication numérique n’est plus seulement une affaire de « pairs ». Elle devient de plus en plus souvent une affaire de famille. A cet effet, l’enquête menée par Bouygues montre aussi que pour 55% des ados le téléphone est avant tout un moyen de joindre les parents et la famille en tout temps1, tandis que l’enquête menée au Pays Basque montre que près de 25% des jeunes répondants disent communiquer avec leurs parents par messenger. Même Snapchat semble être de plus en plus utilisé par des ados avec leurs parents. Ainsi 12,4% d’entre eux ont déclaré se servir de Snapchat avec leurs parents, et 10,3% de Facebook. Nous assistons donc à l’émergence d’une nouvelle génération d’ados dont la connexion n’est pas que le synonyme de l’appartenance à une culture de pairs6. Dans des travaux récents nous voyons même apparaître des phénomènes de déconnexion provisoire des ados vis-à-vis de leurs parents qui les somment de répondre… Signe de l’affirmation d’une autonomie qui passerait désormais par le refus temporaire de répondre dans l’immédiat à ses parents ? Le sentiment d’être lié à ses parents en permanence, la réception de textos pendant les temps de classe, l’injonction parfois de donner des nouvelles au milieu d’une soirée et, dans certains cas, d’accepter d’être géolocalisés, font désormais partie du quotidien d’un nombre de plus en plus important d’adolescents et d’adolescentes.
Ainsi les enquêtes parmi les plus récentes nous rappellent que, dans le domaine du numérique, les usages continuent d’évoluer et, sans doute, de plus en plus rapidement…
Pour consulter le rapport :
Portrait de la jeunesse en Pays Basque 2018
www.adoenia.fr
1. Sierra Jiménez, M. Portraits de la jeunesse du Pays Basque, rapport de recherche, Université de Pau et des pays de l’Adour, Laboratoire « Passages UMR 5319 – CNRS », décembre 2018.
2. Par exemple, le baromètre du numérique, Ministère de l’économie et des finances, 17ème édition : https://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/barometre_du_numerique-2017-271117.pdf
3. Nous avons recueillis les propos de 22 enfants espagnoles et français âgé entre 9 et 11 ans au sujet de leurs usages de la tablette numérique. Résultat à paraître à l’hiver 2019 en France et en Espagne.
4. A ce sujet : Cordier, A. Grandir connecté. Les enfants et la recherche d’information, Paris, C&F Editions, 2015 et Lachance, J. Les images terroristes, Toulouse, Eres, 2018.
5. https://www.corporate.bouyguestelecom.fr/wp-content/uploads/2018/09/ObservatoireBouyguesTelecom-PratiquesNumeriquesFran%C3%A7ais-SEPT18.pdf
6. A ce sujet voir Lachance, J. La famille connectée, Toulouse, Eres (à paraître début 2019).
Jocelyn LACHANCE
Maître de conférence en sociologie
Université de Pau et des Pays de l’Adour
publié dans février 2019