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Regard juridique sur ces enfants qui viennent d’ailleurs1

Mineurs isolés étrangers pour certains (MIE), mineurs étrangers non accompagnés (MENA) ou mineurs non accompagnés (MNA) pour d’autres, la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance les a inscrits dans le code de l’action sociale et des familles (CASF) en tant que « mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille ».

Une dénomination qui s’accompagne d’une reconnaissance et d’une obligation de protection que l’on retrouve dans la définition de la protection de l’enfance :

La protection de l’enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d’assurer leur prise en charge.

(article L112-3 alinéa 5 du CASF).

Une dénomination qui s’inspire surtout des dispositions de la convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) du 20 novembre 1989 :

Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l’État.2

La loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant a confirmé cette orientation et le décret n° 2016- 840 du 24 juin 2016 est venu définir les conditions d’évaluation de la situation de ces mineurs et les conditions de leur orientation dans les départements.3

Dès lors, plus de doute, la situation de ces enfants ne peut se résumer à un sigle lourd de sens et de représentations. Ils ne sont plus protégés par leur famille (pour quelque raison que ce soit), et c’est à l’État de prendre des dispositions pour assurer leur protection et leur prise en charge. Ce que confirme par ailleurs la CIDE en indiquant :

Les États parties prévoient pour cet enfant une protection de remplacement conforme à leur législation nationale.

Oui mais voilà, ces enfants bénéficient d’une caractéristique particulière qui suscite toujours un questionnement : leur extranéité doit-elle peser dans la protection que peut leur accorder le pays d’accueil dans lequel se trouvent ces mineurs, en l’occurrence la France ? Car ces mineurs dont il est question sont bel et bien étrangers, ils ne disposent pas de la nationalité française. A ce titre, ils relèvent donc du droit des étrangers (et des dispositions du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – CESEDA). Mais ils relèvent aussi des dispositifs de la protection de l’enfance car ils sont loin de leur famille, séparés de leurs représentants légaux. Et de cette « minorité découle une incapacité juridique, et de l’absence de représentant légal une situation d’isolement et un besoin de protection ».4

Un besoin de protection que n’a pas manqué de rappeler le défenseur des droits en 2015. « Conscient des enjeux entourant l’accueil des MIE sur le territoire, notamment au regard de la politique de maîtrise des flux migratoires, [il confirme] » :

un MIE est avant tout « un enfant en danger qui relève de la protection de l’enfance et qui doit bénéficier des garanties judiciaires et socio‐éducatives qui y sont attachées telles que, notamment, l’accès à un avocat, à un interprète, le droit d’être entendu, représenté, soigné, scolarisé, accompagné…5

En ce sens, lui est reconnu un droit à la protection dans le cadre des dispositifs de droit commun : protection administrative et protection judiciaire peuvent s’articuler afin d’offrir au mineur concerné la protection et l’accompagnement requis par sa situation, toujours en référence à la loi ou plus exactement à l’article L 112-4 du CASF :

L’intérêt de l’enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes décisions le concernant.

Car il est bien sûr établi l’inconditionnalité de cet article qui s’applique sans distinction de nationalité à l’égard de tous les enfants relevant des dispositifs de protection de l’enfance en danger.

Ceci étant posé, il convient à présent de s’attarder sur quelques aspects de la prise en charge des mineurs étrangers privés de la protection de leur famille. On peut en effet distinguer trois étapes, trois temps significatifs dans le parcours de ces jeunes arrivés sur le territoire français. Des temps que nous identifierons comme autant de questions à soulever : la minorité (la personne concernée est-elle vraiment mineure ?), la place (quel lieu d’accueil pour accompagner au mieux ce mineur ?), le devenir (quel accompagnement pour permettre à cet enfant de trouver « sa » place dans la Société française une fois devenu majeur ?). Trois questions qui mettent en lumière l’évidente complexité de l’inscription dans les dispositifs de la protection de l’enfance de ces enfants qui viennent d’ailleurs.

Ajout de la documentaliste :

Les mineurs isolés étrangers ont été rebaptisés récemment mineurs non accompagnés. Selon le législateur, cette dénomination permet de mettre au premier plan leur condition de mineur, d’enfants, les libérant ainsi du poids politique de leur identité de migrant ou de demandeur d’asile. Elle engage aussi l’État à une inconditionnalité de leur prise en charge. Le 7 mars 2016, le garde des Sceaux a présidé le Comité de suivi du dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés étrangers. Le ministère explique que le remplacement de la notion « mineurs étrangers isolés » par l’expression « mineurs non accompagnés » « rappelle que ces enfants et adolescents relèvent du dispositif de protection de l’enfance ; il signifie aussi que l’origine géographique importe peu lorsqu’il s’agit de prendre en charge un enfant privé de ses parents et que des drames ont poussé sur les voies de l’errance ».6

1. Le terme « enfant » est utilisé tout au long de ce travail en référence à la la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) du 20 novembre 1989 qui rappelle en son article premier que « Au sens de la présente Convention, un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable. »

2. Article 20 alinéa 1, CIDE 20.11.1989.

3. Décret n° 2016-840 du 24 juin 2016 pris en application de l’article L. 221-2-2 du code de l’action sociale et des familles et relatif à l’accueil et aux conditions d’évaluation de la situation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

4. Mineurs isolés étrangers : l’essentiel sur l’accueil et la prise en charge en France. Brochure réalisée par la Direction de la protection des mineurs isolés étrangers de France terre d’asile, 2015, p.6.

5. Lettre de cadrage du projet de recommandations, L’accompagnement des mineurs isolés étrangers, dits mineurs non accompagnés, ANESM, 2016, p. 10.

6. Weiler, Stéphane, « Adolescence et violence de l’exil », in : Adolescence et exil, revue de l’enfance et de l’adolescence, décembre 2017, pp,149-150.

Isabelle GUYOT
Docteur en Droit

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