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Documentaire « À voix Haute »
À voix haute : la force de la parole
de Stéphane de Freitas et Ladj Ly
(Fr., 2016, 1 h 39)
Chaque année à l’université de Saint-Denis se déroule le concours de joute oratoire Eloquentia, qui vise à élire le meilleur orateur du 93. Le documentaire À voix haute retrace le parcours d’une trentaine de jeunes qui se préparent au concours.
Ils s’appellent Leïla, Elhadj ou Eddy, suivent des cursus différents et ont grandi dans les banlieues environnantes. La caméra de Stéphane De Freitas et de Ladj Ly les suit pendant les semaines de préparation au concours.
Avec eux, et grâce à leurs enseignants : avocat, dramaturge et slameur, on assiste à leur métamorphose. Chaque professeur use de techniques différentes, écriture, mime, respiration, qui toutes concourent à faire accoucher de la parole, si bien que nous assistons à des déclamations d’une poésie époustouflante.
Le slameur propose des techniques d’écriture qui visent à leur démontrer qu’ils peuvent « produire de la poésie en cascade ». Bertrand Périer, avocat, extirpe parfois dans la douleur, les mots et la gestuelle, les obligeant sans cesse à se dépasser : « Hier on disait pour la liberté d’expression « Je suis Charlie », aujourd’hui on pourra dire « Je suis Saint–Denis ».
L’un des étudiants témoigne de son expérience de vie dans une banlieue où la violence des mots est la condition pour inspirer le respect, et c’est parce qu’il veut changer ça et qu’il sait que les mots peuvent changer une vie qu’il veut apprendre à s’en servir.
Pour un autre, « la parole est une arme », un « sport de combat », paraphrasant ainsi le titre du film de Pierre Carles « la sociologie est un sport de combat » (2001).
C’est un entraînement sportif d’une autre sorte à laquelle nous assistons, avec ce qu’il y a de mieux dans un sport d’équipe : la solidarité, l’émulation, la fraternité.
La caméra filme les visages de ces jeunes au plus près, leurs émotions, leurs efforts, leurs victoires, sont les nôtres. On devine que leur vie en sera changée à jamais.
Les voir est le meilleur antidote contre les préjugés et le repli identitaire, et à la fin de ce film, on trouve à l’art de l’éloquence des vertus politiques et thérapeutiques.
publié dans novembre 2019